Principes Universels De L'Ordre Social - Landeux

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PRINCIPES UNIVERSELS DE L’ORDRE SOCIAL OU BASES DE LA SOCIÉTÉ À USAGE UNIVERSEL - Philippe Landeux

Tous les Principes de l’ordre social sont bafoués. Cela est inévitable dans un système monétaire. Mais, aujourd’hui, le désordre est encore aggravé par la perte du simple bon sens, ce bon sens populaire exprimé par les adages ancestraux. Certains ne jurent plus que par l’argent, d’autres par l’Humanité virtuelle ou l’Homme désincarné. Que le commun des mortels déraisonne passe encore ! Mais que l’aberration soit dans les lois elles-mêmes est pire que tout !

Il est temps de remettre un peu d’ordre dans les idées, en commençant par les idées élémentaires : Qu’est-ce qu’une Société ? Qu’est-ce qu’un Citoyen ? Qu’est-ce qu’un droit ? Un devoir ? Quels sont les Principes fondamentaux de l’ordre social ? Qu’est-ce qu’une loi ? Un législateur qui ne maîtriserait pas ces notions serait un charlatan tyrannique : non content de déblatérer en permanence, il condamnerait les autres à le suivre dans son délire et à être les instruments de leur perte. Quelque sujet de société que l’on traite, force est de reconnaître que ces notions sont aussi incontournables que les chiffres, les lettres, les notes ou les couleurs pour calculer, écrire, faire de la musique ou peindre, et que quiconque expose en la matière des conclusions qui supposent leur ignorance ou leur négation, conclusions qui sont donc fondées sur des sophismes et non sur les Principes, est un prodige de bêtise ou d’hypocrisie, dans tous les cas un fléau social.


I. De la Société

Qu’est-ce donc qu’une Société digne de ce nom ? (Il faut bien préciser « digne de ce nom » pour ne pas prendre pour tel ce que l’on désigne ainsi aujourd’hui et que l’on qualifie parfois de « société individualiste ».)
Le mieux, pour comprendre ce qu’est une Société, est de commencer par se demander ce qu’est son contraire : l’absence de Société, le règne de la solitude, du plus fort et du chacun pour soi, ce que les philosophes ont appelé l’état de Nature. Quoi que soit une Société, il va de soi que des individus qui n’en forment une sous aucun rapport vivent chacun de leur côté, s’assument seuls, ne peuvent compter que sur leurs propres forces pour se nourrir et se défendre, n’ont de compte à rendre à personne, ne sont à l’abri de rien, peuvent faire tout ce qu’une force supérieure ne les empêche pas, autrement dit pas grand chose ; ils ont de nombreuses obligations, mais aucune assurance, aucun droit ; le prix de leur liberté illusoire est d’être en permanence en danger et sans cesse aux aguets. Les raisons qui poussent des individus à s’unir pour échapper à l’état de Nature sont donc aussi évidentes que les avantages qu’ils cherchent à retirer des Sociétés qu’ils constituent.

Première remarque : Si des individus se constituent en Société, les Sociétés ne sont constituées que des individus qui ont fait le choix de s’unir. Ensuite, lorsqu’une Société est constituée, ne peuvent l’intégrer que les individus désireux de le faire et acceptés par ceux qui en font déjà partie. Ainsi, une Société est constituée d’individus d’une même espèce animale (voir la deuxième remarque) mais ne comprend pas nécessairement tous les individus de cette espèce. D’ailleurs, plus les individus de cette espèce sont nombreux, éparpillés et fatalement différents sous divers rapports moins le cas d’une Société unique est probable, et on peut même dire que, sans ennemi commun universel provenant d’un espace externe, il est impossible, car l’union est moins le fruit de la volonté que celui de la nécessité. Un ensemble se définit par opposition ; sans opposition, sans raison supérieure d’occulter les différences, il se divise. Il peut même, quand l’égoïsme l’emporte sur l’intelligence, être divisé alors que l’union s’impose.

Deuxième remarque : La Société proscrit certains rapports entre ses membres, mais elle ne peut réunir des individus par trop dissemblables et aux intérêts opposés. Un prédateur ne peut pas s’unir avec sa proie, et vice versa. Or les individus d’une espèce sont naturellement et inévitablement dans l’une ou l’autre de ces positions vis-à-vis des individus des autres espèces. Au mieux n’y a-t-il entre eux qu’indifférence tant qu’ils ne sont pas en concurrence. Inversement, la Société oblige ses membres à collaborer pour satisfaire leurs besoins vitaux : se nourrir, se défendre. L’union n’a donc de sens qu’entre individus se nourrissant des mêmes choses et exposés aux mêmes dangers. Si l’on ajoute le besoin de se reproduire, qui ne peut être assouvi qu’avec des individus de son espèce (génétiquement compatibles), voire de la même race (vivant à proximité et dotés des bons appâts de séduction), et si l’on observe que la famille est la plus petite forme de Société, il est indiscutable que les Sociétés ne peuvent être constituées, au début, que d’individus de la même race et, dans tous les cas, appartenant à la même espèce.

Troisième remarque : Dans l’état de Nature règne la loi du plus fort. C’est donc pour être moins faibles que les individus unissent leurs forces. Une Société est une force collective destinée à soutenir les rapports de force avec le reste du monde. Cette force collective peut être employée à tort ou à raison, par intérêt objectif ou mauvais calcul, pour se défendre ou attaquer, pour bâtir ou détruire ; elle peut être contenue, surpassée, écrasée, mais il ne sert à rien, aux faibles, de la dénoncer au lieu de se renforcer et de la combattre, et, aux forts, de la condamner après l’avoir vaincue, puisque seule la force fait loi et que la victoire a déjà tranché.

Quatrième remarque : Les individus se constituent en Société pour échapper à l’état de Nature. Il s’établit donc entre eux de nouveaux rapports, mais eux et leur Société sont toujours dans l’état de Nature vis-à-vis de tout ce qui les entoure. Ainsi, tant que les individus d’une même espèce ne constituent pas une seule Société, les diverses Sociétés sont entre elles dans l’état de Nature : les faibles agissent avec prudence faute de mieux, les fortes et celles qui se croient telles agissent en maîtres, bons ou mauvais. Même une Société unique serait encore dans l’état de Nature vis-à-vis du reste de la nature. Les rapports que des hommes établissent entre eux ne concernent qu’eux ! Les Sociétés et l’appartenance à une Société n’arrête pas les agressions isolées ou massives des autres animaux et n’empêche pas les éléments de se déchaîner.

Cinquième remarque : Le plus grand inconvénient de l’état de Nature est d’être en permanence en danger de mort, ce qui, pour des êtres vivants, n’est pas la moindre des choses. Il s’ensuit que le plus grand bienfait que des individus recherchent en se constituant en Société est, non pas l’immortalité, mais une plus grande sécurité. On peut donc dire que des individus se constituent en Société par instinct de conservation.

Sixième remarque : Dans l’état de Nature règne la force. Il s’ensuit que les rapports entre individus appartenant à une même Société ne reposent pas sur la force, mais sur ce que les hommes appellent le droit, c’est-à-dire sur des conventions au moins tacites que tous les membres de la Société reconnaissent, respectent et garantissent. L’état de droit est le contraire de l’état de Nature. Or nous avons vu qu’une Société est dans l’état de Nature vis-à-vis de tout ce qui l’entoure. Le droit international est donc illusoire : c’est une belle fiction qui ne résiste pas aux coups de force. Chassez le naturel…

Ces remarques permettent de cerner ce qu’est une Société, mais pas de la définir convenablement. (C’est l’erreur des philosophes du XVIIIe siècle, et de Rousseau en particulier, d’avoir procédé ainsi mais de s’être arrêtés à ce stade.) Pour ce faire, il faut pousser plus avant la réflexion, lire entre les lignes et tirer toutes les conséquences logiques de l’union vitale, c’est-à-dire de l’association politique.


II. Sécurité & universalisme

Si des individus se constituent en Société pour accroître leur sécurité, la Société a le devoir de les protéger afin que la Sécurité leur soit garantie en tant que droit. Cette Sécurité qui consiste à ne pas être agressé par d’autres membres et à être défendu contre des ennemis extérieurs est à la mesure des moyens de la Société. 

Conséquences :

1) La Sécurité est un droit fondamental et le premier des droits. 

2) Les droits fondamentaux découlent de l’acte d’association politique et sont invariables d’une Société à une autre (c’est uniquement dans ce sens qu’ils sont universels), puisque toutes les Sociétés ont la même raison d’être. 

3) Il appartient à chaque Société de garantir et d’étendre la portée des droits de ses membres.

4) L’étendue d’un droit — sa garantie et ses déclinaisons — est fonction de l’espèce des individus et des capacités de la Société, donc aussi de l’époque en ce qui concerne les hommes.
 
5) Les Principes de l’ordre social sont universels, mais leur application est locale, nationale.

6) Les droits reconnus et garantis à l’intérieur d’une Société sont nuls et non avenus à l’extérieur, ou du moins illusoires. 

7) Il n’y a de droits qu’en Société, puisqu’elle seule peut en reconnaître et les garantir.


III. De l’Égalité

Maintenant, puisque la Société doit garantir la Sécurité de ses membres, et vu qu’elle se confond avec eux, c’est en définitive à eux, les membres, les Citoyens, de la garantir.

Conséquences :

8) La Sécurité d’un Citoyen est le fait, non de ses moyens de défense personnels, mais de la protection que ses Concitoyens lui assurent.

9) Les Citoyens n’ont le devoir de protéger que les individus qui se sentent la même obligation envers eux.

10) La Sécurité individuelle et collective est une conséquence du devoir que les Citoyens ont de se protéger mutuellement. 

11) « Défendre la Cité et ses Concitoyens » est le premier devoir du Citoyen,

12) « Être solidaire de ses Concitoyens dans toute la mesure de ses moyens » est une autre façon de définir ce premier devoir en lui donnant un sens plus large. 

13) Il n’y a de devoirs que dans la réciprocité qui engendre pour tous les mêmes droits.

14) Il n’y a de devoirs et de droits que dans l’Égalité.

15) L’Égalité (des Citoyens en devoirs et en droits) est le Principe fondamental de l’ordre social.

16) Il n’y a d’égalité, dans la Nature, que devant la mort ; il n’y a de droits et d’égalité en droits qu’en Société ; il n’y a pas de droits naturels.

17) Les droits naturels, innés, humains, appelés aussi le droit des gens, sont une fiction inventée par des êtres civilisés et supposent une Société pour les reconnaître et les garantir (aux individus à sa portée), preuve qu’ils n’existent pas par eux-mêmes.

18) Seuls les individus qui remplissent leurs devoirs envers la Cité sont et demeurent Citoyens ; ceux qui ne les remplissent pas, soit parce qu’ils ne sont pas ou plus en état de le faire, soit parce qu’ils ne veulent pas ou les remplissent envers une autre Cité, n’ont aucun droit dans la Cité, du moins ne peuvent-ils jouir des droits du Citoyen ; si des droits leurs sont malgré tout reconnus, ce n’est que par la grâce de la Cité, en fonction de ses capacités et en vertu de son humanité.

19) La Citoyenneté s’acquiert par des devoirs et se conserve par l’observation permanente de ces devoirs et le respect des droits d’autrui ; elle n’est pas innée, elle peut donc être retirée ; tout Citoyen qui manque à ses obligations enfreint voire rompt le pacte social, compromet l’Égalité et s’expose à des sanctions pouvant aller jusqu’à la perte de la Citoyenneté.

20) Le droit qu’ont les Citoyens d’être protégés par la Cité ne leur enlève pas celui de défendre leur personne et leurs biens par tous les moyens en leur pouvoir lorsqu’ils sont seuls face à un agresseur et plongés, à cause de lui, dans l’état de Nature. — Un Citoyen ne peut être moins en sécurité sous les lois de la Cité, enchaîné par elles face à un agresseur qui s’est affranchi de toutes, que dans l’état de Nature où, si aucune loi ne le protège, puisqu’il n’y en a pas, aucune ne l’empêche non plus de se défendre autant qu’il peut. La Cité qui a manqué à son devoir une fois ne peut y manquer y seconde fois en poursuivant un Citoyen qui a eu la chance d’avoir le dessus sur son agresseur sous prétexte que ce dernier aurait aussi des droits. Les lois sont faites pour renforcer, protéger et venger ceux qui les respectent, non pour assurer la puissance, l’impunité et la vengeance des hors la loi. 

Ces observations peuvent prêter à quelques confusions et soulever des interrogations. Faute de pouvoir deviner toutes les questions et objections possibles, voici au moins quatre points qu’il est important d’éclaircir.

Tout d’abord, il est apparu qu’il y a un lien direct entre les devoirs et les droits, ces derniers étant les fruits des premiers. Il est vrai qu’un droit est généré par un devoir précis. Pour autant, ce constat est faux d’un point de vue individuel. Un Citoyen ne génère pas ses propres droits puisqu’il les tient des devoirs que ses Concitoyens remplissent envers lui. Bien sûr il a les mêmes obligations envers eux. Il remplit donc bien les devoirs qui génèrent les droits de la nature de ceux dont il jouit, mais il n’est pas l’auteur direct des droits dont il jouit personnellement. Mais on se tromperait encore si l’on pensait qu’un Citoyen ne désirant jouir que de certains droits pouvait se contenter de remplir les devoirs a priori correspondants. Etre membre de la Société, appartenir à la Cité, confère un ensemble d’obligations. Il n’y a pas de Citoyens au rabais ; il n’y a que des Citoyens à part entière, égaux en devoirs et en droits, ou des étrangers. En d’autres termes, les droits du Citoyen sont l’apanage de la Citoyenneté qui, elle, s’obtient et se conserve par l’accomplissement d’un faisceau de devoirs.

Dans la lignée de cette réflexion, notons que les devoirs précèdent les droits et qu’une Société remplit parfaitement son rôle dès lors qu’elle garantit à tous ses Citoyens tous les droits que leurs devoirs génèrent. L’Égalité n’est ni plus ni moins que cela. Il ne faut donc pas confondre les actes qui relèvent du droit et ceux qui ne le concernent pas tant qu’ils ne compromettent pas les droits d’autrui. Il ne faut pas non plus croire qu’une Société est inégalitaire ou injuste parce que, pour des raisons de capacités individuelles ou collectives, les droits de ses Citoyens sont moins étendus que ceux d’une autre : l’Égalité et la justice ne se mesurent pas par comparaison entre Sociétés, mais à l’aune des devoirs que remplissent et des droits dont doivent conséquemment jouir les Citoyens d’une même Société. Ces remarques permettent de comprendre que toutes les Sociétés animales appliquent les Principes à la lettre et sont égalitaires contrairement aux concentrations humaines dites sociétés qui, toujours le mot droit à la bouche, sont toutes inégalitaires et ignorent le B. A.-BA. de l’Égalité.

Ensuite, l’objection la plus courante contre l’Égalité (en droits) est qu’elle serait inconcevable du fait que tout est différent, que rien n’est égal dans la nature. Ceux qui tiennent de tels propos pour soutenir leurs privilèges ou accepter leur oppression parlent tous néanmoins de droits, de société. Or la notion de droit est inséparable de celle de devoir qui, elle-même, n’a aucun sens dans l’inégalité. Comme nous l’avons vu, un individu n’a de devoir envers un autre, ne lui garantit un droit, que parce que ce dernier remplit le même devoir envers lui. Étant égaux en devoirs, ils se garantissent mutuellement le ou les mêmes droits. L’Égalité est mathématique ! Cela est évident si l’on raisonne avec deux individus et reste vrai quand la Société en compte des millions, puisque les Citoyens, aussi nombreux soient-ils, ont toujours les uns envers les autres les mêmes devoirs et, partant, se garantissent les mêmes droits. On peut également dire que, si un Citoyen a des devoirs envers la Cité, qui est l’ensemble de ses Concitoyens, celle-ci, donc l’ensemble de ses Concitoyens, a les mêmes devoirs envers lui, chacun ayant bien les mêmes droits. Qu’un Citoyen ait un unique Concitoyen ou qu’il en ait une multitude représentée par la Cité, le schéma est fondamentalement le même, ses conséquences aussi. (La question n’est pas ici de savoir pourquoi, comment, l’inégalité s’est introduite dans les sociétés humaines, accouchant ainsi d’un état inédit, d’un état intermédiaire entre celui de Nature et de Société, à savoir l’état d’Oppression qui, de loin, a l’apparence d’une Société mais où, de près, règne la loi du plus fort.)

Pourtant, il est exact que les individus sont naturellement différents. Mais les différences empêchent-elles les associations ? L’adage « l’union fait la force » est-il absurde ? Les associations, les unions existent bien. Force est donc d’admettre qu’elles existent malgré les inévitables différences naturelles entre individus, parce que chaque individu, homme ou femme, fort ou faible, apporte quelque chose et y trouve son compte. Loin d’être un obstacle à l’union, les différences de capacités et de talents, gages de complémentarité entre les individus, sont un atout pour le groupe ; elles sont même indispensables à la réalisation de toutes les tâches et à l’existence de la Société. Bref, on ne peut parler de droits, de Citoyens, d’Égalité, comme s’il était toujours question de l’état de Nature dans lequel rien de tout cela n’existe, alors que ces sujets concernent manifestement l’état de Société dans lequel toutes ces notions sont consubstantielles. Un Citoyen est plus qu’un individu, plus qu’un homme, plus qu’un être naturel réduit à ses seules forces ; c’est un être moral doté de droits, le fruit de la Société et de ses lois fondées sur l’Égalité. L’Égalité est le propre de la Société ; c’est ce qui la distingue de l’état de Nature (qui n’est même pas inégalitaire puisque les notions d’Égalité et de droits n’y existent pas). Les différences naturelles ne sont donc pas un argument recevable contre l’égalité sociale ; elles ne sont invoquées, pour maintenir ce qui est, que par les ignorants, les tyrans et leurs valets.

Enfin, pour en terminer avec la question de l’Égalité, dont nous disons qu’elle s’applique aux devoirs et aux droits, il est impératif d’introduire des nuances sans lesquelles les applications donnent lieu à des aberrations et donc à des interprétations erronées de ce qu’est l’Égalité. En réalité, il y a plusieurs niveaux de devoirs et de droits, trois exactement : fondamental, indirect et particulier. L’Égalité s’applique bien sûr aux devoirs et aux droits fondamentaux, et aussi aux droits indirects ; elle ne s’applique ni aux devoirs indirects ni aux devoirs et droits particuliers. Pour le comprendre, il faut tout d’abord comprendre pourquoi il y a par nature différents niveaux de devoirs et de droits.

La raison est simple : en ce qui concerne les devoirs, un devoir fondamental est purement théorique et se décline de plusieurs façons d’un point de vue pratique, de sorte que remplir un devoir fondamental d’une certaine façon est un devoir indirect qui confère des obligations particulières ; en ce qui concerne les droits, un droit fondamental est lui aussi théorique et désigne en un seul mot l’ensemble des droits qui contribuent à jouir dudit droit fondamental et dont l’exercice individuel peut, dans certains cas, générer des droits particuliers. (Des droits particuliers peuvent aussi être le pendant de devoirs particuliers.) On voit donc bien que certains devoirs découlent d’autres et que, par définition, tous ne se situent pas sur le même plan. De même pour les droits. La grosse différence entre les devoirs et les droits est qu’il suffit que les Citoyens remplissent un devoir indirect découlant d’un devoir fondamental pour s’acquitter chacun à leur façon dudit devoir fondamental, alors que tous les Citoyens doivent jouir de tous les droits indirects attachés à un droit fondamental pour être réellement égaux dans la jouissance de ce droit fondamental. L’égalité en devoirs indirects n’a pas de sens, car elle est impossible et inutile pour que les Citoyens soient égaux en devoirs fondamentaux (tous les gens qui travaillent, quelle que soit leur profession, travaillent), alors que, inversement, l’égalité dans un droit fondamental n’a de sens que si les Citoyens sont aussi égaux dans tous les droits indirects qui découlent de ce droit fondamental (les gens ne peuvent être également libres sans jouir réellement des mêmes libertés). Par contre, l’égalité en droits particuliers est aussi insensée qu’impossible puisque ces droits découlent soit du libre exercice de droits indirects dans lesquels les Citoyens doivent être égaux, soit de l’accomplissement de devoirs particuliers que tous les Citoyens ne sont pas tenus de remplir.

Sans trop anticiper, signalons dès à présent que la Propriété ou le droit de posséder existe (de par la Société) et doit être reconnu, mais est un droit particulier auquel, en vertu de ce que nous venons de dire, l’Égalité ne s’applique pas. La Propriété, d’un point de vue individuel, porte sur des biens produits pour soi-même ou acquis à des fins personnelles. Dans le cas d’une production individuelle pour un usage personnel, il est évident que les productions — sur lesquelles le droit de propriété n’est pas fondé sur le travail fourni, mais sur la possession non contestée ou antérieurement reconnue des matériaux utilisés — varient en nature, qualité et quantité d’un individu à un autre, de sorte que la notion d’Égalité n’a pas de sens. Même constat lorsque les individus échangent entre eux des biens qu’ils possèdent et opèrent ainsi des transferts de droit de propriété qui ne changent rien au final. Dans le cas des acquisitions, le droit de propriété sur les biens résulte de l’exercice d’un autre droit, un droit indirect (l’accès au marché), et est donc bien un droit particulier auquel l’Égalité ne s’applique pas par définition. Non seulement l’égalité en droits (système égalitaire) n’est pas l’égalité en biens (système égalitariste), mais la Liberté en condamne même le principe autant que la nature des choses la rend à jamais impossible. Ainsi, la Propriété n’est pas un droit fondamental comme l’affirment les bourgeois, pas plus que les propriétés ne sont susceptibles d’égalisation comme le voudraient les communistes.


IV. De la Liberté

Nous avons évoqué à plusieurs reprises la notion de Liberté. Cette notion, comme celle de Sécurité, est intrinsèque à l’acte d’association politique.

Raisons :

21) Des individus qui s’associent pour se protéger mutuellement ne peuvent s’associer que librement, c’est-à-dire sans contrainte, 

22) De même que les individus doivent intégrer librement et volontairement une association, les individus déjà associés sont libres d’accueillir en leur sein, de refuser et d’en exclure qui il leur plait,

23) Il appartient à l’association de fixer les conditions non négociables que chaque individu doit satisfaire pour pouvoir l’intégrer s’il le veut, conditions qui, même satisfaites, n’obligent pas l’association à l’accueillir, ce qui, dans le cas contraire, permettrait aux étrangers de lui forcer la main et placerait leurs désirs au-dessus de la volonté des Citoyens qu’ils prétendent devenir, 

24) Dans la mesure où nul ne peut adhérer librement à un groupe qui exigerait plus de lui que des autres membres, des associés ne peuvent exiger plus d’un nouveau venu que d’eux-mêmes, 

25) Dans la mesure où nul ne peut sans contrainte se constituer esclave, des associés, en position de force, ne peuvent accorder à un nouveau venu des avantages dont ils se privent,

26) Dans la mesure où nul ne peut renoncer délibérément à un état pour un autre moins avantageux, des associés qui ont renoncé à une certaine liberté doivent trouver au sein de l’association, malgré ses contraintes, une liberté plus grande encore, autrement dit plus de libertés,

27) Une libre association politique exclut l’esclavage, l’oppression, l’exploitation et la tyrannie et suppose l’égalité en devoirs et en droits des Citoyens anciens et récents.

28) La Liberté est le complément et même une extension de la Sécurité ; sans Sécurité, la Liberté est un privilège pour quelques-uns, une illusion de courte durée pour tous les autres ; sans Liberté, la Sécurité est une oppression permanente et donc un danger en elle-même.

29) La Liberté qui n’est un droit qu’en Société ne peut consister à faire tout ce que l’on veut ou peut comme dans l’état de Nature (que les individus ont fui), mais à jouir des mêmes libertés, c’est-à-dire des mêmes droits (fondamentaux et indirects) que ses Concitoyens et à pouvoir faire tout ce qui n’est pas contraire à ses devoirs, aux droits d’autrui et aux lois légitimes.

30) La Liberté étant l’ensemble des libertés connues et reconnues dans une Société, les libertés étant le fait de la Société, autrement dit le fruit des devoirs que les Citoyens remplissent envers elle, une liberté dans un domaine consiste à jouir à l’égal de ses Concitoyens de toutes les possibilités qu’offre la Cité dans ce domaine, et non à exercer simplement ses facultés naturelles. 

La Liberté qui est un droit fondamental, à l’instar de la Sécurité, est subordonnée à l’Égalité qui est le Principe fondamental de l’ordre social. Loin d’être contraires, il ne peut y avoir l’une sans l’autre. Sans Égalité, il n’y a plus de Citoyens, plus de Société, et la « Liberté » n’est que la loi du plus fort sous une forme ou une autre : sans Liberté, la Société n’est plus une libre association mais une prison pour la masse, un cheptel pour des privilégiés, et « l’Égalité » sur quelque plan que ce soit est au mieux un slogan.


V. Participer à la vie de la Cité / Profiter des bienfaits de la Cité

Plus des Citoyens sont nombreux, plus une Société est puissante, plus la Sécurité est grande, moins les attaques extérieures sont à redouter, moins les Citoyens ont l’occasion de remplir leur premier devoir qui est de défendre la Cité et leurs Concitoyens. La Citoyenneté ne peut donc plus reposer sur l’accomplissement de ce seul devoir ; elle doit être conférée par autre chose.

Remarquons déjà que défendre la Cité et ses Concitoyens n’est pas le seul devoir. Les Citoyens ont aussi celui d’être solidaires les uns des autres, devoir qui contient le premier. La solidarité prend certaines formes en matière de protection physique, de défense au sens littéral, mais les formes qu’elle peut prendre sont beaucoup plus nombreuses. La Sécurité elle-même ne se réduit pas à être protégé des attaques extérieures, mais concerne toutes les formes de dangers contre lesquels la Société peut intervenir et qu’elle ne doit pas elle-même créer. Ces dangers peuvent être naturels ou externes, comme la faim, la maladie, le froid, le vent, le climat de manière générale, ce qui amène la Société à reconnaître et à garantir, si elle le peut, des droits indirects tels que celui d’être nourri, abrité, vêtu, soigné, etc., et, en amont, à instaurer ou à reconnaître comme devoirs indirects toutes les activités qui conjurent ces dangers et génèrent ou garantissent lesdits droits. Ces dangers peuvent aussi provenir de dérèglements internes quand les prétentions et les prévarications de certains, au lieu d’être condamnées, ont libre cours aux dépens de la Sécurité et de la Liberté des autres, quand elles anéantissent l’Égalité entre les Citoyens et sont donc porteuses d’oppression et d’exploitation. La Société doit donc proscrire tout ce qui porte atteinte à ce qu’elle reconnaît comme des droits, même aux droits les plus insignifiants en apparence, car les petites inégalités annoncent les grandes. Ainsi les devoirs et les droits peuvent se décliner et leur champ d’application s’étendre aussi loin que les capacités de l’espèce et de la Société à un moment donné le permettent.

Conséquences :

31) Lorsqu’une Société se développe, que ses activités se multiplient, que les tâches à remplir dans l’intérêt général sont de plus en plus nombreuses, que les Citoyens ne peuvent plus être unis par le seul fait de se défendre mutuellement et d’assurer leur sécurité au sens littéral, car ils n’en ont plus que rarement l’occasion, la Citoyenneté doit être conférée par l’accomplissement d’un devoir plus large que les précédents, elle doit résider dans l’accomplissement d’actes quotidiens utiles directement ou indirectement à la Cité, en un mot, elle doit consister à « participer à la vie de la Cité » sous une forme reconnue par elle.

32) Toutes les tâches dont la Cité reconnaît l’utilité sociale, même indirecte, toutes les tâches qui dispensent les autres Citoyens de les accomplir pour se consacrer à d’autres tâches tout aussi utiles sont un devoir envers la Cité : quiconque les remplit en satisfaisant aux exigences de la Cité participe à la vie de la Cité, est Citoyen et doit être l’égal en droits de ses Concitoyens. 

33) La Cité n’assigne pas de tâches ; les Citoyens se les répartissent librement, c’est-à-dire en fonction de leurs désir, de leurs capacités et des possibilités.

34) Les Citoyens peuvent s’acquitter individuellement ou en groupe de leur devoir de Participer à la vie de la Cité ; lorsqu’ils s’en acquittent en groupe, ils forment une personne morale dont le devoir est à la mesure de son potentiel, une personne que tous les Citoyens qui la composent représentent également aux yeux de la Cité et qui sont donc solidaires dans les récompenses comme dans les sanctions, une personne qui seule a des comptes à rendre à la Cité et qui est seule responsable de sa gestion interne.

35) La Cité définit ses exigences selon ses intérêts et en fonction du nombre de Citoyens concernés, à charge pour les Citoyens ou les groupes de Citoyens de se débrouiller pour les satisfaire. Participer à la vie de la Cité procure les droits du Citoyens aux intéressés mais a avant tout pour but de pourvoir aux besoins de la Cité qui dirige le jeu.

36) Lorsqu’une forme de participation engendre une production, l’intérêt de la Cité n’est pas tant dans les quantités produites que dans les quantités écoulées : la Cité n’exige pas seulement de produire, elle exige avant tout que cette production agrée une quantité non négligeable de Citoyens. (Il en est de même pour les services pour lesquels la précision est inutile puisque, sans demande, une offre de service ne donne lieu à aucun service réel et constitue donc une activité nulle aux yeux de la Cité.)

37) Le fruit d’un devoir envers la Cité est par définition destiné à la Cité et appartient donc à cette dernière, du moins en premier lieu : produire dans le cadre d’un devoir n’a pas pour contrepartie, pour le producteur, la propriété de la production en question, mais la Citoyenneté, c’est-à-dire les droits du Citoyen. (Etre propriétaire de ce que l’on produit revient à produire pour soi, ce qui ne peut être un devoir envers la Cité.)

38) Quand tous les Citoyens ont le devoir de participer à la vie de la Cité sous une forme reconnue par elle, ils ont en retour le droit de profiter de tous ses bienfaits, fruits de leurs efforts globaux.

39) Profiter des bienfaits de la Cité est un droit fondamental, au même titre que la Sécurité et la Liberté qu’en fait il contient ; sans lui ou dans l’inégalité, la Citoyenneté n’a aucun sens, voire aucun intérêt.

40) Le droit de profiter des bienfaits de la Cité appliqué aux productions matérielles (car tous les bienfaits ne sont pas d’ordre matériel) consiste soit à partager le produit général ou collectif sinon en parts égales du moins en parts convenables, procédé qui relève davantage d’un système égalitariste que d’un système égalitaire, soit à reconnaître aux Citoyens le droit d’y accéder, c’est-à-dire d’accéder librement au marché en raison de leur Citoyenneté, ce qui est la perfection de l’Égalité.

41) Le partage équitable du produit général ou collectif convient aux petites Sociétés peu productives qui ne peuvent faire autrement ; la répartition du produit collectif par l’exercice du droit d’accéder au marché n’est possible que dans les Sociétés développées, industrialisées et informatisées. 

42) Le droit d’accéder au marché découle de celui fondamental de profiter des bienfaits de la Cité ; c’est donc un droit indirect, un droit conféré par la Citoyenneté dont tous les Citoyens doivent jouir également, un droit qui n’a d’autres bornes que les besoins, les goûts et les envies du Citoyen qui l’exerce, le respect des droits d’autrui, l’exercice par les autres Citoyens de ce même droit, la nature des choses et éventuellement la loi, elle aussi égale pour tous.


VI. De la Propriété

Les animaux sont des êtres physiques. Ils ont des besoins concrets que seules des choses matérielles peuvent assouvir. Ces choses, périssables ou durables, à usage individuel ou collectif, peuvent être trouvées dans la nature ou fabriquées par un individu ou un groupe. La question est de savoir ce que sont ces diverses choses du point de vue du droit, sachant que, dans tous les cas, elles ne peuvent être des objets de droit que dans le cadre d’une Société.

Participer à la vie de la Cité consiste parfois à produire des choses, à fabriquer des biens. Profiter des bienfaits de la Cité passe, en grande partie, par l’accès à des choses matérielles constituant le produit collectif. 

Conséquences :

43) Toutes les choses matérielles constituant le produit collectif, dont les Citoyens ont besoin pour vivre ou jouir de certains de leurs droits, sont inséparables des droits que la Cité doit garantir à ses Citoyens et deviennent, une fois entre les mains de ces derniers, ayant été reçus en partage ou retirés du marché pour leur usage personnel, leurs propriétés. 

44) La Propriété — ou le droit de posséder — consiste, pour une personne physique ou morale, à détenir ou à pouvoir user personnellement, librement et exclusivement des biens reconnus comme siens par la Cité ou sur lesquels la celle-ci ne conteste pas ce droit. 

45) Il n’y a pas de Propriété sans Société : toute propriété est relative et doit son existence sinon physique du moins morale à la Société ; il appartient donc à la Cité d’indiquer les biens qui peuvent ou non être possédés, par qui, à quelles conditions et éventuellement dans quelles quantités, du moins pour les biens dont la nature n’indique pas par elle-même qui en est propriétaire ; le droit de propriété, la détention et l’usage des propriétés, est borné par l’accomplissement de ses devoirs en amont, le respect des droits d’autrui en aval, par la nature des choses et au besoin par la loi.

46) Un bien ne peut être converti en propriété que de trois façons : 1) suite à l’acquisition par l’exercice du droit d’accéder au marché, 2) par l’obtention suite à la répartition par la Cité du produit collectif, 3) par la récupération ou la trouvaille qui, à moins d’être illégale, donne lieu à une possession de fait, reconnue ou non contestée.

47) Un bien ne devient pas une propriété entre les mains d’un individu sous prétexte que celui-ci l’a fabriqué personnellement ou obtenu par échange : il n’en est une que s’il l’a fabriqué avec des matériaux qui étaient déjà ses propriétés ou sur lesquels la Propriété ne lui était pas contestée, ses efforts ne rentrant donc pas en ligne de compte, ou si ce bien était déjà une Propriété entre les mains de celui de qui il l’a reçu, lequel a usé de son droit en le cédant, ce qui serait toujours le cas même si lui-même n’avait rien donné en échange.

48) Les Citoyens doivent être égaux dans le droit d’accéder librement au marché ; ils ne peuvent conséquemment en retirer et posséder les mêmes choses et dans les mêmes quantités, même si cela est possible en théorie, d’autant plus que toutes leurs propriétés ne proviennent pas du marché. 

49) Les droits des Citoyens dépendent de la Citoyenneté, pas de ce qu’ils possèdent ; la possession d’un bien est un droit particulier qui peut être cédé ou échangé mais qui ne confère pas elle-même de droits, notamment celui d’accéder au marché (droit indirect) et d’acquérir ainsi des biens, puisque c’est la Propriété qui, le plus souvent, découle de lui. 

50) Les choses immatérielles ne peuvent en aucun cas être des propriétés ; la propriété intellectuelle est une monstruosité ; la Cité ne peut reconnaître à leurs auteurs, leurs inventeurs, leurs découvreurs, etc., davantage que la paternité, et ce dans le meilleur des cas.

51) Une production individuelle ou collective produite dans le cadre du devoir de participer à la vie de la Cité et destinée au marché ne peut être la propriété des producteurs.

52) Même acquis individuellement — toute acquisition suppose une autorisation au moins tacite de la Cité —, les biens collectifs ou communs ne sont pas, par définition, des propriétés personnelles : ils sont soit la propriété collective ou commune du groupe des utilisateurs, soit la propriété inaliénable de la Cité qui a permis l’accès audits biens en n’en concédant que l’usage.

53) La Terre est en théorie la Propriété de l’Humanité, elle appartient à tous les hommes en général et à aucun en particulier ; en pratique, et d’ici à ce que les hommes forment une unique Cité, le principe vaut pour chaque Cité installée sur un territoire fixe et assez forte pour le conserver : son sol appartient à tous les Citoyens collectivement et à aucun personnellement. 

54) Les portions de sol que la Cité confie à ses Citoyens à quelque fin que ce soit restent sa propriété, même si les utilisateurs et occupants temporaires passent pour des propriétaires aux yeux de leurs Concitoyens. 

55) Les ressources naturelles du sol et du sous-sols de la Cité sont de même sa propriété et ne peuvent être exploitées qu’avec son accord et dans l’intérêt général : leur exploitation ne procure aux exploitants d’autre avantage que la Citoyenneté, c’est-à-dire les droits du Citoyen.


VII. Des lois & de la Démocratie

La Cité est une libre association politique (association dans le but initial de survire) entre Citoyens égaux en devoirs et en droits. L’Égalité est la clé de voûte de l’édifice social ; la Sécurité et la Liberté en sont le ciment. 

Conséquences :

56) Les lois fondamentales ou Principes de l’ordre social découlent de l’acte d’association politique ; elles ne sont pas inventées par les Citoyens mais dictées par la nature de leur union : il s’agit moins d’en convenir et de les exprimer que de les constater et de les respecter. 

57) Les Principes de l’ordre social sont intemporels et universels ; ils fondent toute Société, de quelque espèce que soient ses membres et à quelque époque que ce soit ; ne sont temporaires et/ou spécifiques que les lois en rapport avec les besoins particuliers d’une Société donnée à un moment donné.

58) Les lois temporaires et/ou spécifiques, générales ou particulières, doivent être exprimées voire écrites contrairement aux lois fondamentales qui peuvent être tacites, et ne doivent pas contrarier ces dernières quand elles n’en sont pas un simple prolongement.

59) Dans la mesure où les lois doivent être conformes aux Principes, elles doivent être les mêmes pour tous les Citoyens, tous doivent également y être soumis, afin qu’aucun n’ait plus ou moins de droits que les autres, que nul ne soit de fait maître ou esclave, que la Sécurité et la Liberté de chacun soient assurées et le plus étendues possible. 

60) Lorsque les lois sont égales pour tous les Citoyens, que tous y sont également soumis, y compris le législateur, et que les Citoyens sont réellement égaux en droits, l’intérêt particulier se confond avec l’intérêt général : chacun désire pour lui, donc pour les autres, tous les droits, toutes les libertés dont nul ne pourra jouir aux dépens d’autrui, pas même lui.

61) Quand les lois sont égales pour tous les Citoyens, elles sont justes ; quand elles sont l’œuvre de ceux qu’elles régissent, elles sont légitimes ; quand elles profitent à tous ou du moins à la majeure partie des Citoyens, sans nuire fondamentalement à l’autre partie, elles sont bonnes ; quand elles ne profitent qu’à une minorité de « Citoyens » aux dépens de la majorité, elle sont inégales, antisociales et injustes ; quand elles ne profitent objectivement à personne ou ne satisfont pas l’objet que le législateur se proposait ou affaiblissent la Cité, elles sont mauvaises ; quand les Citoyens y sont soumis sans leur consentement, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, elles sont nulles ; quand elles sont nulles et injustes, elles sont tyranniques.

62) L’idéal est que les lois soient bonnes, ce qu’elles ne peuvent être sans être justes, ce qu’elles ne peuvent être sans être légitimes. 

63) Sachant que légiférer est différent de gouverner, on peut distinguer trois formes de système législatif : 1) la démocratie, où tous les Citoyens contribuent à la formation des lois et ne sont soumis qu’à celles qu’ils ont collectivement consenties, 2) l’oligarchie (aristocratie, théocratie, ploutocratie) où le pouvoir est monopolisé sous divers prétextes par quelques-uns et exercé avant tout à leur profit, 3) le despotisme, où le pouvoir législatif appartient à un seul, ce qui est une vue de l’esprit dans la mesure où une telle autorité ne peut exister sans assises dans la Cité et n’est plus despotique au sens propre dès lors qu’elle en a une quelle qu’elle soit.  

64) Aucun système législatif ne peut garantir de bonnes lois ; l’important est donc que le système soit par nature vertueux, qu’il soit capable et ait en lui le besoin de corriger ses erreurs, ce qui ne peut être le cas que si l’intérêt du législateur rejoint celui des sujets, si le législateur se confond avec les Citoyens, si tous les Citoyens sont réellement égaux en droits.

65) Les règles édictées par une oligarchie sont des diktats, elles sont par nature illégitimes et n’ont d’une loi que le nom ; elles sont fatalement inégalitaires ou n’ont que l’apparence de l’Égalité, et sont donc injustes ; elles sont délibérément mauvaises du point de vue général.

66) Seule la démocratie convient à une Société digne de ce nom : les lois qu’elle produit, œuvres de tous les Citoyens, sont naturellement légitimes, nécessairement égalitaires et rapidement rectifiées ou abrogées s’il apparaît qu’elles ne sont pas bonnes.

67) Pour que les lois soient réellement l’œuvre des Citoyens, tous les Citoyens doivent pouvoir en proposer selon des règles établies, et toutes celles qui sont envisagées, quels qu’en soient les concepteurs, doivent être ratifiées par eux. Un système dans lequel les Citoyens n’ont pas le droit de proposer des lois ou en sont astucieusement empêchés et dans lequel ils n’ont pas été consultés d’une manière ou d’une autre sur celles auxquelles ils sont soumis n’est pas démocratique. Ainsi le régime représentatif est une négation de la démocratie : c’est de fait une oligarchie.

68) Une loi est ratifiée par les Citoyens lorsqu’elle est soumise à leur approbation et recueille au moins la majorité des suffrages exprimés. Les Citoyens qui ne se prononcent pas laissent les autres décider pour eux et ne sont pas fondés à contester le verdict. Les Citoyens qui se sont prononcés différemment de la majorité doivent de même accepter le verdict et respecter la loi, quitte à la critiquer.

69) Lorsqu’il est impossible de soumettre toutes les lois à l’approbation de l’ensemble des Citoyens, une voie intermédiaire entre le référendum permanent et l’imposture de la représentation, mais qui ne s’écarte pas du Principe, doit être trouvée. 

70) Toute Société, tout système égalitaire est par nature démocratique ; tout système intrinsèquement inégalitaire est incompatible avec une authentique démocratie. Attendre de la démocratie qu’elle apporte l’Égalité est la preuve que l’Égalité n’est pas (donc que les intérêts des citoyens divergent et que certains ont le pouvoir de faire prévaloir leurs intérêts particuliers) et que l’on est au mieux dans l’illusion de la démocratie. 


VIII. Citoyenneté / Nationalité

Les lois doivent avant tout satisfaire les intérêts de la Cité et doivent être ratifiées par les Citoyens qu’elles vont régir.

Conséquences :

71) Le droit de contribuer à la formation des lois de la Cité, à sa direction et à la gestion de ses intérêts les plus chers, implique de vivre en son sein, de raisonner en fonction de ses intérêts, d’être incapable de la quitter par convenances personnelles et moins encore de l’abandonner dans l’adversité, en un mot d’être attaché viscéralement à elle et prêt la défendre au péril de sa vie si besoin est.

72) Quand, sauf exception, les hommes naissent et meurent au même endroit, ils ne choisissent par leur Cité, ils ne conçoivent pas d’appartenir à une autre, leur allégeance est naturelle et totale, ils sont destinés à devenir et à demeurer Citoyens, donc à vivre à jamais sous les lois de la Cité, ils sont liés à leurs Concitoyens par le sang et l’esprit, par le passé et le futur, pour le meilleur et pour le pire ; la Cité se confond alors avec la Nation, la Citoyenneté est de fait synonyme de Nationalité.

73) Quand les hommes deviennent mobiles, que les Citoyens arrivent de tous les horizons et peuvent partir à tout moment, qu’ils n’ont souvent en commun que leur présence au même endroit au même moment, qu’ils se considèrent comme des « citoyens du monde », des « êtres humains » ou des « gens d’ailleurs » si bien que leurs « Concitoyens » ne sont rien à leurs yeux, que la Cité n’est pour beaucoup d’entre eux qu’une aubaine, une étape ou un carcan, la Citoyenneté n’est plus en soi un lien indéfectible avec la Cité qui ne peut plus accorder sa confiance et confier ses intérêts sur cette base ; il faut alors distinguer la Nationalité de la Citoyenneté et la Cité au sens strict (l’ensemble des Citoyens nationaux) de la Cité au sens large (l’ensemble des Citoyens). 

74) L’existence physique et morale, l’honneur, la culture, l’avenir de la Cité, ses lois, les droits qu’elle reconnaît dépendent des Citoyens ayant le droit de cité et de l’usage qu’ils en font ; ce droit ne peut donc être reconnu à des Citoyens de hasard ou de fortune, ici aujourd’hui, ailleurs demain, indifférents au sort de la Cité ou prêts à la trahir ; il ne peut être conféré par la Citoyenneté facile à obtenir ; il doit être attaché à la Nationalité, laquelle doit témoigner de l’enracinement ou de la volonté de s’enraciner, d’un profond sentiment d’appartenance à la Nation et d’un désir farouche de la préserver.  

75) La Nationalité s’ajoute à la Citoyenneté : la Citoyenneté, obtenue en s’acquittant du devoir de participer à la vie de la Cité d’un point de vue social ou économique, confère les droits fondamentaux indispensables au Citoyen ; la Nationalité confère le droit particulier de participer à la vie politique de la Cité. 

76) La Citoyenneté est indépendante de la Nationalité : un Citoyen peut ne pas avoir de Nationalité, il peut même avoir la Nationalité d’une autre Cité si celle-ci est assez stupide pour accorder un poids politique à un déserteur, mais il ne peut avoir plusieurs Nationalités qui seraient autant de trahisons avérées ou potentielles envers chacune des Cités correspondantes.

77) L’ensemble des Citoyens constitue la Cité au sens large et fait partie de la population ; l’ensemble des Citoyens nationaux constitue la Cité au sens strict, c’est-à-dire la quintessence de la Cité, la Nation, le Peuple. 

78) La Cité ne pouvant connaître les sentiments des individus qu’à travers des signes et des actes éloquents, la Nationalité doit être méritée individuellement et constamment ; elle suppose, pour pouvoir y prétendre, de satisfaire des conditions préalables attestant l’état d’esprit, voire des connaissances et des capacités ; elle implique, pour l’acquérir, de s’acquitter volontairement et correctement de devoirs particuliers qui, de par leur nature, éprouvent la fidélité envers la Cité et l’allégeance envers la Nation ; elle exige, pour la conserver, de répondre à tous les appels de la Cité et de ne jamais déshonorer la Nation.

79) Citoyens ordinaires et Citoyens nationaux sont égaux en droits, puisque les droits particuliers qui les séparent n’entrent pas dans la balance de l’Égalité, d’autant plus que les Citoyens ordinaires n’en jouissent pas parce qu’ils n’ont pas voulu remplir les devoirs particuliers qui les confèrent.   

80) Quoique n’étant pas l’œuvre de l’ensemble des Citoyens, les lois conçues par les seuls Citoyens nationaux n’en sont pas moins légitimes dans le mesure où les Citoyens ordinaires, en refusant la Nationalité en connaissance de cause, ont tacitement accepté que les premiers légifèrent sans eux et pour eux.

81) A moins d’être iniques, les lois ne peuvent distinguer les Citoyens nationaux des Citoyens ordinaires que pour des objets relevant exclusivement de la Nationalité ; elles ne peuvent réserver aux Citoyens nationaux des droits qui sont le pendant des devoirs du Citoyen, qui sont donc attachés à la Citoyenneté et appartiennent par nature à tous les Citoyens.


IX. Gouvernement & régime politique


Des Citoyens sont des individus ayant unis librement leurs forces pour accroître leurs chances de survie. Ils constituent un corps social qui, comme tout corps, a besoin d’une tête, d’un chef, pour réaliser l’unité et diriger la force collective dans l’intérêt de tous, en un mot pour gouverner.

Conséquences :

82) Le rôle d’un chef est de diriger la Cité selon les lois de la Cité, dans l’intérêt et selon le vœu des Citoyens .

83) Le chef est un Citoyen comme les autres ; sa fonction est une fonction comme une autre et est soumise aux règles communes de la participation : comme toute fonction, elle confère des devoirs et des droits particuliers nécessaires pour accomplir la mission mais qui ne compromettent pas l’Égalité, puisque celui qui l’occupe n’a, en tant que Citoyen, ni plus ni moins de droits fondamentaux et indirects que ses Concitoyens.

84) Le chef, institué par la Cité, pour la Cité, doit être consenti autant que ses décisions doivent être approuvées par le Peuple (l’ensemble Citoyens nationaux) qui est l’unique source de la légitimité des pouvoirs et des choses faites en son nom. — Autrement dit, il faut distinguer la fonction de chef de la manière d’exercer le pouvoir (ceci est vrai pour toute fonction). Un chef est légitime quand son accession à cette fonction ainsi que ses actes sont légitimes. La légitimité est un tout : les imposteurs n’en ont pas plus que les tyrans.

85) Un chef peut être établi de plusieurs façons : par l’élection directe ou indirecte, par auto-proclamation, par hérédité, pour une durée déterminée, indéterminée ou à vie ; les Principes condamnent certaines combinaisons (notamment le pouvoir à vie obtenu sans consentement populaire et exercé de manière tyrannique) mais n’en prescrivent aucune d’autant plus que toutes présentent des avantages et des inconvénients théoriques qui, en pratique, varient selon les circonstances, les hommes et leur manière d’exercer le pouvoir ; la meilleure combinaison est celle qui, à un moment donné, assure le mieux l’existence de la Cité et les droits des Citoyens.

86) Peu importe le titre officiel du chef dès lors qu’il est élu, plébiscité ou tacitement reconnu et que ses actions et décisions reçoivent chacune, une à une, non en bloc, l’aval du Peuple. 

87) La reconnaissance populaire sous une forme ou sous une autre ne confère pas une légitimité éternelle au chef ; sa légitimité est nulle dès lors que le Peuple ne le reconnaît plus pour tel — soit parce qu’il agit sans le consulter, soit parce que sa personne apparaît indigne d’occuper cette fonction, soit parce que les Citoyens ne croient plus que son action sert leurs intérêts et l’intérêt général tels qu’ils les conçoivent —, même et à plus forte raison s’il n’a pas la possibilité légale de s’exprimer et de le remplacer.   

88) Lorsqu’une Cité est importante, un Citoyen ne suffit plus à la fonction de chef et doit appeler des Concitoyens pour l’aider à la tâche : il constitue avec eux le Gouvernement.

89) Un système social repose essentiellement sur deux pouvoirs, sans compter celui du Peuple qui les coiffe tous : 1) le pouvoir exécutif, celui du chef et de son Gouvernement, qui est de diriger selon les vœux et dans l’intérêt du Peuple, 2) le pouvoir législatif, celui du Parlement, constitué des députés, qui est de légiférer, c’est-à-dire de formuler des projets de lois à présenter au Peuple.

90) La fonction de chef est constitutive de la Cité ; elle est de toute éternité et, partant, bien antérieure à celle de législateur, laquelle est inutile tant que les Citoyens sont assez peu nombreux pour faire les lois eux-mêmes, sans intermédiaire. 

91) Les fonctions de chef et de législateur sont par nature distinctes et doivent être séparées et subordonnées à la volonté du Peuple — d’autant plus que chef et législateur ont par nature tendance à se prendre pour le Peuple, à considérer la Cité comme leur chose et à vouloir concentrer entre leurs mains tous les pouvoirs, de sorte que, si ces fonctions sont confondues, si l’une absorbe l’autre, le danger est grand que celui qui cumule ainsi les pouvoirs ne connaisse plus de frein à sa puissance et en abuse aux dépens du Peuple qu’il est censé servir.

92) Quand les pouvoirs législatif et exécutif trouvent l’un dans l’autre leur contre-pouvoir, au lieu de n’avoir chacun d’autre maître que le Peuple, ils ne sont pas séparés l’un de l’autre : ils sont séparés du Peuple et au-dessus de lui. 

93) Qu’ils soient strictement séparés, ouvertement confondus ou sournoisement entremêlés, les pouvoirs exécutif et législatif sont fatalement dans la même position vis-à-vis du Peuple, soit qu’ils lui obéissent, soit qu’ils lui en imposent : ou le Peuple est le maître des deux, ou il ne l’est d’aucun et alors toutes les combinaisons qui d’une manière ou d’une autre le dépouillent de la souveraineté sont égales et perverses aux yeux des Principes.

94) La vraie nature d’un système politique — le régime d’une Société — est définie par la façon dont les lois sont élaborées, c’est-à-dire par qui les fait réellement : la véritable nature du pouvoir législatif détermine celle du pouvoir judiciaire, relativement neutre, qui applique les lois, et celle du pouvoir exécutif qui est établi par la loi et dirige la Cité conformément aux lois. 

95) Dans la mesure où tout individu, tout corps, est égoïste et agit avant tout dans ses intérêts et l’intérêt des siens, celui qui fait les lois les fait avant tout dans son intérêt et celui de ses pareils : il n’y a qu’en étant faites réellement par le Peuple qu’elles sont faites pour le Peuple, que le chef et le législateur (le Gouvernement et le Parlement) lui sont soumis et qu’un régime est politiquement démocratique. 

96) Abstraction faite des nuances, il n’y a objectivement que trois types de systèmes politiques : la Démocratie, la dictature et la démocrature. 

Quand les Citoyens sont réellement égaux en droits, le Peuple est réellement souverain, les pouvoirs exécutif et législatif, quels que soient leurs formes et les rapports entre eux, lui sont subordonnés, et le système est authentiquement démocratique. En revanche, dans l’inégalité, quels que soient les formes des pouvoirs exécutif et législatif, les rapports entre eux et le rapport du tout au Peuple, le régime oscille entre la dictature et la démocrature, la première étant ouvertement antidémocratique, la seconde étant prétendument démocratique.

Quand le pouvoir exécutif — entre les mains d’un homme ou d’un parti — étouffe, s’empare ou est revêtu du pouvoir législatif et dicte ses lois au Peuple, le système est une dictature. Ceci étant, le terme dictature n’indique ni l’origine ni le but du Gouvernement, mais qualifie ses méthodes, c’est-à-dire le fait qu’il agisse avec fermeté voire violence et sans consulter le Peuple, et, bien qu’une dictature soit rarement dans l’intérêt du Peuple, une dictature légitime et éphémère peut parfois s’avérer nécessaire pour le salut public. Ainsi, un Gouvernement dictatorial peut être démocratique en vertu de la légitimité de son origine ou de son but, et antidémocratique au regard de ses méthodes extraordinaires. Dans ce cas, c’est l’exception qui confirme la règle, si toutefois ce constat résiste à l’épreuve du temps.

Quand le pouvoir législatif prévaut autant sur l’Exécutif que sur le Peuple dont il se réclame à tort ou à raison, ce qui n’est possible que dans l’inégalité et au milieu de classes, le système est une démocrature. Une démocrature n’est en définitive qu’une oligarchie astucieuse validée par un Peuple naïf. Que les prétendus représentants du Peuple soient élus, désignés ou autoproclamés, dès lors qu’ils parlent en son nom sans lui soumettre leurs décisions, il est clair qu’ils cherchent auprès de lui une caution qu’ils ne méritent pas. Ils ne sont pas le Peuple et entendent que chacun reste à sa place, eux et leurs pareils en haut. La démocrature la plus accomplie est bien sûr la démocratie strictement représentative qui, en permettant au Peuple de désigner à la fois le chef et les députés qui vont le bafouer en toute légalité (c’est eux qui font les lois), lui donne l’illusion d’être important et l’envie de défendre ce système « au nom de la démocratie ». Cela dit, autant un système strictement représentatif est antidémocratique, autant un système simplement représentatif, ne permettant pas aux mandataires du Peuple de s’en dire les représentants et de substituer leur volonté à la sienne, est démocratique d’un point de vue politique. Pourtant, même un système politiquement démocratique, difficile à atteindre dans l’inégalité, n’est pas une authentique démocratie, mais seulement la forme la moins perverse de démocrature. 


X. Définitions & conclusion

Cette étude, pour répondre à des questions précises, nous a entraînés bien plus loin que prévu. Il est en effet apparu que tout était lié et qu’une réponse simple, même sans être simpliste, serait lourde de sous-entendus et exposerait à des incompréhensions, des contresens, à toutes les interprétations farfelues et frauduleuses. Il fallait donc avoir une vision globale de l’ordre social pour cerner correctement les éléments et les paramètres particuliers de la Société. Mais cette vision globale, pour être juste et échapper aux passions, ne pouvait être un simple constat de ce qui est ou de ce qui fut ; elle ne pouvait procéder que d’une étude théorique et rigoureuse en partant de la forme de Société la plus basique et en allant toujours plus loin dans les développements logiques. Ce travail est fait. A l’avenir, toutes les questions sociales doivent être abordées de cette manière, voire s’appuyer directement sur ces conclusions, et beaucoup, dont les plus importantes, trouvent déjà leur réponse dans cet exposé.
Nous pouvons maintenant répondre aux questions initiales et poser les définitions des concepts clés de l’ordre social. Ces définitions ne se trouvent évidemment pas, du moins telles quelles, dans le dictionnaire ni même dans les livres de « droit ».

Société, Cité, Association politique : Ensemble d’individus appelés Citoyens, unis librement dans le but originel d’accroître leurs chances de survie, donc pour être en sécurité, et qui, de ce fait, ont les uns envers les autres les mêmes devoirs et se garantissent mutuellement les mêmes droits (de sorte que leur relation est égalitaire et que l’Égalité est le principe fondamental de l’ordre social). — Selon le Petit Larousse illustré : Mode de vie propre à l’homme et à certains animaux, caractérisé par une association organisée d’individus en vue de l’intérêt général.

Citoyen : Individu admis à faire partie de la Cité, reconnu comme tel par la Cité, participant effectivement à la vie de la Cité et selon ce qu’elle considère comme une participation, faisant en un mot ce qu’elle attend de lui, la défendant au besoin, et jouissant en retour des mêmes droits fondamentaux et indirects que ses Concitoyens (dont celui de profiter des bienfaits de la Cité), étant ainsi leur égal en devoirs et en droits. — Selon le Petit Larousse illustré : Membre d’un Etat considéré du point de vue de ses devoirs et de ses droits civils et politiques.

Cité : Ensemble des Citoyens (sens large). Voir Société. / Ensemble de Citoyens nationaux, Nation (sens strict). / Toute personne ou toute institution représentant ou chargée de représenter légitimement, aux yeux des individus, les Citoyens ou les Concitoyens, l’intérêt général ou la volonté nationale. / Territoire sur lequel vivent des Citoyens sédentaires (au sens de pays, de patrie). — Selon le Petit Larousse illustré : Dans l’Antiquité et au Moyen Age, unité politique et économique constituée par une ville et son territoire.

Devoir : Pendant d’un droit. / Obligation dans le cadre d’une relation réciproque ; il n’y a pas de devoir sans réciprocité, dans l’inégalité en devoirs ou en droits. / Obligation envers la Cité et ses Concitoyens pour mériter soi-même et conserver la Citoyenneté et les droits qui vont avec. Obligation de la Cité envers ses Citoyens afin de leur garantir leurs droits et justifier qu’ils aient des obligations envers elle. / Les devoirs peuvent être d’ordre fondamental (dictés par l’acte d’association : défendre la Cité, être solidaire de ses Concitoyens, participer à la vie de la Cité), indirect (découlant de devoirs fondamentaux théoriques et les traduisant en pratique) ou particulier (découlant de devoirs indirects ou indépendants de la Citoyenneté, comme ceux liés à la Nationalité). — Selon le Petit Larousse illustré : Ce à quoi on est obligé par la loi, la morale, etc..

Droit : Pendant d’un devoir. Liberté, possibilité, capacité conférée par la Citoyenneté en contrepartie de l’acquittement des devoirs du Citoyen et garantie par la loi (la Cité). Il n’y a de droits au sens propre qu’en Société, dans l’Égalité entre Citoyens. / Liberté, possibilité, capacité conférée par le dévouement et la volonté des Citoyens à la Cité (et à ses représentants) afin que celle-ci remplisse les missions que les Citoyens lui ont confiées. / Liberté, possibilité, capacité reconnue par la Cité en vertu de son humanité à des individus n’étant pas Citoyens ou indépendamment de leur Citoyenneté. / Les droits peuvent être d’ordre fondamental (pendant des devoirs fondamentaux, conséquence immédiate, but suprême de l’acte d’association pour les Citoyens : Sécurité, Liberté, profiter des bienfaits de la Cité), indirect (découlant des droits fondamentaux, comme celui d’accéder au marché de la Cité) ou particulier (découlant de l’exercice d’un droit indirect, tel que la Propriété, ou pendant d’un devoir particulier). — Selon le Petit Larousse illustré : Faculté d’accomplir ou non quelque chose, d’exiger quelque chose d’autrui, en vertu des règles reconnues, individuelles ou collectives. Ensemble des principes qui régissent les rapports des hommes entre eux, et qui servent à établir des règles juridiques. Ensemble des règles juridiques en vigueur dans une société.

Égalité : Principe fondamental de l’ordre social ; elle ne concerne que les Citoyens d’une Cité donnée ; elle s’applique aux devoirs fondamentaux et aux droits fondamentaux et indirects, de sorte que les Citoyens sont réellement égaux en devoirs et en droits, dont celui de profiter des bienfaits de leur Cité. — Selon le Petit Larousse illustré : Rapport entre individus, citoyens égaux en droits et soumis aux mêmes obligation.

Loi : Règle sociale reconnaissant des droits, découlant de l’acte d’association politique (synonyme alors de Principe) ou adoptée par les Citoyens (nationaux) et égale pour tous les Citoyens. Toute règle formée autrement, c’est-à-dire sans l’aval des Citoyens, n’est pas une loi ou n’en a que le nom. — Selon le Petit Larousse illustré : Prescription établie par l’autorité souveraine de l’Etat, applicable à tous, et définissant les devoirs et les droits de chacun.

Principe : Règle, rapport, devoir, droit découlant de l’acte d’association politique, intrinsèque à l’ordre social, fondé sur l’Égalité, et antérieur à toute conceptualisation. — Aucun équivalent dans le Petit Larousse illustré.

Démocratie : Système économico-politique dans lequel les Citoyens réellement égaux en devoirs et en droits, dont celui de profiter des bienfaits de leur Cité, sont soumis à des lois expressément approuvées par eux, faisant d’eux en corps, c’est-à-dire du Peuple, le véritable souverain. / Seul régime possible d’une Société digne de ce nom. Il ne peut y avoir de véritable démocratie dans l’inégalité ; une Société fondée sur l’Égalité ne peut être autre que démocratique. / La démocratie strictement représentative qui dépouille de facto le Peuple de la souveraineté est une négation de la démocratie. — Selon le Petit Larousse illustré : Régime politique dans lequel le Peuple exerce sa souveraineté lui-même, sans l’intermédiaire d’un organe représentatif (démocratie directe) ou par représentants interposés (démocratie représentative).

Telles sont les véritables définitions de tous ces mots. Toutes font intervenir la notion d’Égalité. Comment pourrait-il en être autrement quand il s’agit de concepts sociaux, sachant que l’Égalité est le Principe fondamental de l’ordre social ? Quelle valeur aurait des définitions qui permettraient de l’oublier, qui, par exemple, parleraient de loi sans rappeler qu’une loi au sens propre doit être égale pour tous et est soit une conséquence de l’acte d’association, soit l’expression de la volonté des Citoyens ; qui parleraient de citoyens comme s’il pouvait y en avoir dans l’inégalité ; qui parleraient d’égalité en droits, sans mentionner le droit, pour un Citoyen, de profiter des bienfaits de sa Cité en vertu de sa Citoyenneté ; qui parleraient d’individus sans tenir compte de leur Citoyenneté et de tout ce qu’elle implique ; qui définiraient le Citoyen comme étant quelqu’un qui appartient à la Cité, ce qui est juste, mais sans dire que l’appartenance implique la participation, etc. ? De telles définitions consacreraient tous les abus ou leur ouvriraient la porte ; elles empêcheraient dans tous les cas de la refermer. C’est avec des mots que l’on pense. Ce sont les mots creux qui soutiennent et rendent inébranlable le présent. C’est par des mots retrempés que commence la Révolution. 

Philippe Landeux

6 novembre 2010




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